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Algérie : Les syndicats indépendants pris pour cible dans l’offensive du gouvernement visant à détruire le mouvement pro-démocratie

22.01.20 Feature
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La farce électorale du 12 décembre dernier en Algérie, dans laquelle les citoyen-ne-s ont été invité-e-s à choisir l'un des cinq candidats à la présidence approuvés par l’armée, n'a en rien diminué la répression de la société civile démocratique, dont les syndicats indépendants, par le régime. Les algérien-ne-s qui se battent pour la liberté d’association sont aujourd’hui confronté-e-s à une double répression. Ils et elles sont ciblé-e-s en tant que syndicalistes contestant la centrale syndicale UGTA contrôlée par l’État et pour leur rôle en soutien et en défense du mouvement démocratique qui a éclaté au printemps dernier.

En mai de l’an dernier, l’OIT, à la suite d’une mission de haut niveau en Algérie, a appelé le gouvernement à prendre immédiatement des mesures pour mettre fin à la persécution des responsables et membres des syndicats indépendants, enregistrer leurs organisations et réintégrer tous-tes ceux et celles qui ont été licencié-e-s en raison de leur adhésion et activités syndicales. La réponse du régime a été une répression accrue.

Raouf Mellal, président du syndicat national autonome des travailleurs-euses de l’électricité et du gaz SNATEG, affilié à l’UITA, et de la confédération syndicale des forces productives COSYFOP, continue de faire face à de nouvelles accusations vindicatives, la dernière en date étant un procès en diffamation intenté contre lui par le ministre du Travail en représailles aux plaintes déposées contre le gouvernement algérien auprès de l'OIT.

En décembre 2019, le siège de l’affiliée SNAPAP à Alger, qui sert aussi de siège national à la Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA), a été mis sous scellés par les autorités. Les locaux syndicaux sont surveillés 24h/24 par la police.  

Kaddour Chouicha, président du syndicat des enseignant-e-s du supérieur solidaires (SESS), membre du bureau exécutif de la CGATA et représentant à l’organe directeur de la CSI a été arrêté et condamné en comparution immédiate à un an de prison ferme le 10 décembre – Journée internationale des droits de l’homme - pour « outrage et violences contre des fonctionnaires et institutions de l'État ». Remis en liberté provisoire après un mois de prison, il a de nouveau été arrêté le 14 janvier. Chouicha est le vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme et président de la section d’Oran.

Ibrahim Daouadji, secrétaire général de l’organisation syndicale des travailleurs en Algérie (OSATA), a été interpellé pour des motifs similaires le 12 octobre et placé sous mandat de dépôt. Il a été arrêté avec son fils de 3 ans, qui n’a été relâché qu’après l’intervention de ses avocats.  

Rym Kadri, présidente de la Fédération nationale des personnels de l’éducation affiliée à la COSYFOP, a été arrêtée le 24 novembre pour sa participation à un rassemblement exigeant la libération de prisonniers politiques. Libérée après 4 jours, elle reste soumise à des contrôles judiciaires et policiers stricts.

Hamza Kherroubi, président du syndicat des aides-soignant-e-s affilié à la COSYFOP, a été arrêté en décembre pour son soutien à l’appel à la grève générale lancé par la COSYFOP à partir du 8 décembre, accusé « d’incitation à l’attroupement et à la grève » et condamné à un an de prison ferme. Remis en liberté sous contrôle judiciaire en raison de son état de santé, il a été placé en détention le 21 janvier.

Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) a publié une liste actualisée des quelques 150 militant-e-s civiques et politiques emprisonné-e-s pour avoir participé à des manifestations pacifiques ou critiqué le régime sur les médias sociaux, dont l’étudiante Nour El Houda Oggadi, placée sous mandat de dépôt depuis le 19 décembre. Le nombre réel de détenu-e-s est sans doute considérablement plus élevé. Pratiquement aucune information ne filtre du sud du pays et la liberté de mouvement est sévèrement limitée partout. Les décisions judiciaires sont prononcées par contumace et les personnes déclarées coupables ne sont souvent informées des peines qu'au moment de leur arrestation.

Les militant-e-s syndicaux-ales et démocratiques qui ne sont pas encore derrière les barreaux ou soumis-e-s à une stricte surveillance policière courent le risque imminent d’être arrêté-e-s et torturé-e-s par un gouvernement qui cherche à réprimer un mouvement porté par des millions de personnes. Un soutien international multiforme – de la part des organisations syndicales, des groupes de défense des droits humains, des gouvernements – est plus que jamais nécessaire pour garantir la survie du mouvement populaire de contestation et la concrétisation de ses revendications.  Par ailleurs, les sociétés transnationales présentes en Algérie – et elles sont nombreuses – doivent se voir rappeler qu'elles investissent dans un pays gouverné par un régime autoritaire sordide dont les violations des droits humains se multiplient chaque jour, et qu'elles en sont par conséquent complices.