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Réglementation européenne du capital-investissement : résultats et perspectives

18.01.11 News
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Après 18 mois de négociation, la toute première réglementation législative du capital-investissement par l’entremise d’une directive exécutoire a été adoptée par le Parlement européen à la fin de l’an dernier et entrera en vigueur en 2013. Qu’apportera-t-elle aux travailleurs/euses?

La Directive relative aux gérants de fonds dits « alternatifs » (AIFM) impose des exigences réglementaires spécifiques aux fonds de capital-investissement et aux fonds de couverture, et de façon plus générale aux fonds immobiliers et aux fonds spéculatifs.

La directive est le résultat d’une initiative politique lancée il y a environ quatre ans – au sommet de la flambée des acquisitions – dans le but de contenir l’effet débilitant des prises de contrôle adossées sur les entreprises, les travailleurs/euses et les syndicats et du risque accru pour le système financier élargi résultant de la taille et de l’échelle croissante des rachats.

Un programme politique ambitieux incorporant les principales préoccupations des syndicats a été formulé dans un rapport préparé par le Parti socialiste européen (PSE), (qui regroupe les partis socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes d'Europe, sous la direction de Poul Nyrup Rasmussen) auquel les syndicats, y compris l’UITA, ont contribué par des analyses, des études de cas et de propositions concrètes de changements réglementaires (voir pour exemple le document IUF at the European Parliament Highlights Dangers, Risks of Private Equity Buyouts (en anglais seulement).

En ce qui concerne le capital-investissement, des éléments importants de ce programme, notamment ceux qui touchent aux limites sur le levier, aux mesures de lutte contre le dépouillement des actifs des sociétés acquises par « recapitalisation des dividendes » et d’autres mécanismes et à des exigences de divulgations concrètes qui donneraient aux travailleurs/euses et aux organismes réglementaires une perception réelle de l’état de la société, ont survécu aux modifications profondes apportées par des députés hostiles lorsqu’il a finalement été adopté en septembre 2008. L’adoption du rapport constituait une première étape dans le développement d’une directive.

Deux ans et 1 700 modifications plus tard, que reste-t-il? Il va sans dire que l’intense lobbying mené par les fonds a réussi à dépouiller la directive d’une bonne partie de son contenu et de ses conséquences souhaités.

Il reste d’abord la reconnaissance en droit du fait que le capital-investissement pose un défi distinct exigeant une réglementation spécifique. Déjà, cela constitue une importante victoire sur les tenants de l’idéologie de « l’intervention légère » et du « marché efficient ». La directive, comme le dit le PSE, est « le premier acte législatif à entrer en vigueur dans le cadre de supervision européen et la première législation complète sur la supervision directe des gestionnaires de fonds alternatifs (et indirectement de leurs fonds). »

Deuxièmement, la directive énumère des règles spécifiques sur la transparence et la divulgation qui fourniront au minimum un point de départ utile pour les travailleurs/euses et les organismes de réglementation.

Troisièmement, et même si elle n’empêchera pas au bout du compte l’affaiblissement et même la destruction d’entreprises viables que nous avons connus dans les périodes intensives de rachat précédentes, la directive contient des dispositions concrètes sur ce qui est spécifiquement décrit comme le dépouillement d’actif. Les fonds de capital-investissement ne peuvent pas verser de dividendes ou appliquer d’autres mécanismes de réduction du capital durant les deux premières années de propriété. Les mesures sont limitées dans leur portée et dans le temps et ne s’appliquent qu’aux grandes sociétés, mais l’adoption d’un article spécifique sur le dépouillement d’actif constitue une autre première législative qui vient reconnaître en droit que des règlements spécifiques sont nécessaires pour contenir le vandalisme financier par les fonds spéculatifs.

Bien que la directive ne prévoie pas comme tel de limite au levier financier – l’élément clé d’une prise de contrôle adossée – les gestionnaires de fonds dépassant un certain seuil sont tenus de communiquer le niveau de levier aux autorités nationales, qui peuvent répondre si le niveau indiqué est jugé présenter un risque systémique.

Le proverbial verre est moins qu’à moitié plein – en fait, il est à peine mieux que vide – mais il reste quand même un verre à remplir malgré les efforts d’un lobby international bien financé. Du fait que l’existence même de la directive témoigne de la nécessité reconnue de donner une réponse spécifique à une forme d’activité jusque là sans contraintes, il faut aussi noter la présence d’un mécanisme d’examen qui s’activera en 2017. Le dernier mot n’a pas nécessairement été dit. Il s’agit d’un point crucial, puisque les faibles taux d’intérêt et le fait que les investisseurs soient de nouveau en possession de fonds importants font en sorte que les conditions sont réunies pour un retour des prises de contrôle adossées.

La prise de contrôle réussie par des fonds de capital-investissement du fournisseur de services ISS, une société maintenant sur le marché des transactions avec son demi-million d’employés/es, signalerait que l’activité de rachat et prête à rebondir des petites transactions auxquelles l’avait limitée l’effondrement des marchés financiers. Dans un tel cas, les travailleurs/euses devront à nouveau faire face aux attaques contre les emplois et les conditions de travail dans une période de chômage élevé et de coupes dans les dépenses publiques.