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Le « Nescafé Plan » : consommateurs, consommatrices, prenez garde !

07.09.10 News
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Nestlé a récemment annoncé, avec le tapage médiatique habituel, son « Nescafé Plan » sur dix ans qui permettra à la société « d’optimiser davantage sa chaîne d’approvisionnement en café ». Au cours des cinq prochaines années, elle doublera ses achats directs de café Nescafé aux producteurs. Ce plan comporte également un volet Nespresso – sans surprise, puisque Nespresso est la marque de Nestlé affichant la croissance la plus forte.

Que Nestlé cherche à étendre son contrôle direct sur la chaîne d’approvisionnement du café n’a en soi rien d’étonnant. Le cours du café a aujourd’hui atteint son point le plus élevé depuis 13 ans ; les contrats à terme sur le café se sont appréciés de 35 pour cent au cours des trois derniers mois, une situation qui profite plus aux négociants et aux spéculateurs qu’aux torréfacteurs. Le « Nescafé Plan» revêt donc tous les atours de la « durabilité ». Selon son administrateur délégué Paul Bulcke, Nestlé « crée de la valeur partagée » pour « ses actionnaires et les communautés dans lesquelles elle opère ». La multinationale s’est par ailleurs engagée à respecter les normes de production durables dans la culture du café, à fournir une assistance technique et des programmes de micro-financement aux producteurs ainsi qu'à réduire l’impact environnemental de ses usines.

Une volonté véritable d’améliorer la situation des petits producteurs de café – un groupe particulièrement touché par la volatilité des prix, la concentration des acheteurs et la dégradation de l’environnement – est certainement bienvenue. Le « Nescafé Plan » apportera-t-il un soulagement ? L’expérience passée invite toutefois à la prudence ; les paysans concernés par le Nescafé Plan assumeront sans doute une fois de plus tous les risques.

Le récent rapport de Nestlé sur la « Création de valeur partagée » met par exemple l’accent sur le nombre croissant de producteurs laitiers auprès desquels la société se pourvoit directement. Mais ce rapport ne dit rien sur la nature de leurs relations et la manière dont elles fonctionnent dans la pratique. Même si Nestlé affirme, de manière fallacieuse, que son rapport est conforme au protocole du Global Reporting Initiative (GRI) (voir « L’UITA abaisse la note de la création de valeur partagée de Nestlé, de B+  en obligation pourrie »), le rapport ne contient aucune information substantielle sur les conditions de travail tout au long d’une chaîne d’approvisionnement très importante dans le secteur agricole – et ne dit rien non plus sur le travail des enfants et sur la situation des nombreux travailleurs/euses migrants/es dont dépend la récolte du café dans le monde entier.

Nestlé dispose de 12 usines produisant du Nescafé dans des pays producteurs de café. Selon le « Nescafé Plan », toutes ces usines seront à l’horizon 2015  approvisionnées en café produit de manière durable. Mais qu’en est-il des travailleurs/euses qui transforment le café ? Le Plan n’apporte aucun éclaircissement sur ce qu’une production durable du café signifie pour leurs emplois et moyens de subsistance. Comment Nestlé envisage-t-elle de se conformer d’ici 2015 aux « normes de production durables internationalement reconnues » quand elle ne montre aucune volonté de se conformer aux normes du travail de l’OIT reconnues au plan international dans les usines qui produisent les divers emballages de Nescafé ?

Quand Nestlé parle « d’optimiser la chaîne d’approvisionnement », faut-il comprendre que cela inclut également la création d’un syndicat contrôlé par l’entreprise, comme à l’usine Nescafé de Panjang en Indonésie, pour saper le syndicat des travailleurs/euses de Nestlé Panjang (SBNIP) légalement reconnu ? Le refus de négocier avec le syndicat légitime à moins de voir le syndicat fantoche participer aux « négociations » fait-il partie du « Nescafé Plan » ?

Le syndicat des travailleurs de Nestlé de Panjang se bat depuis trois ans pour défendre les droits syndicaux fondamentaux. Leur lutte continue, avec ou sans un « Nescafé Plan ».

La volatilité du cours du café et les fluctuations des marchés à terme peuvent sévèrement plomber le bilan d’une entreprise. Mais il ne faut pas confondre une stratégie de diversification des risques financiers avec des pratiques de durabilité basées sur des normes du travail internationalement reconnues, à savoir les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) des Nations unies.

Dans la perspective d’un partage de la valeur, certains « actionnaires » et leurs communautés sont clairement plus égaux que d’autres. Les quelques 500 millions CHF que Nestlé prévoit d’investir, sur dix ans, dans le « Nescafé Plan » doivent se comparer aux plus de 9 milliards que la société veut consacrer, en 2010 seulement, au rachat de ses actions. Pour être crédibles, les efforts engagés pour améliorer les conditions des hommes et femmes qui cultivent, récoltent et transforment le café que nous buvons doivent aller au-delà de l’écoblanchiment.