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Kraft répond à « l’agitation » suivant le rachat de Cadbury par … des enquêtes

07.05.10 News
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Toute personne suivant l’enquête parlementaire britannique sur le rachat de Cadbury par Kraft ne pourra manquer de conclure que le groupe américain était soit moins qu’honnête, soit incompétent, ou les deux, en entretenant cyniquement de faux espoirs concernant le site Cadbury de Somerdale (voir Kraft à la diète – combien d’emplois syndiqués en moins ? ). Le comité parlementaire (dont le rapport, comprenant des transcriptions de témoins du syndicat Unite, est disponible ici en anglais) a également émis quelques observations pertinentes sur le rôle des investisseurs à court terme, sacrifiant les intérêts à long terme de la société pour des gains immédiats, et ses conséquences pour les travailleurs/euses et leurs communautés.

Quelle leçon Irene Rosenfeld, la Pdg de Kraft, (dont le refus d’apparaître en personne a sérieusement irrité le comité parlementaire et l’opinion publique britanniques) a-t-elle retiré de cette affaire ? « Il y a une certaine agitation [au Royaume-Uni] » a-t-elle indiqué lors d’une interview au Wall Street Journal le 19 avril. Et quelle est la réaction de Kraft ? « Nous menons des enquêtes  pour comprendre quels sont les sentiments des gens ».

Les employés/es de Cadbury au Royaume-Uni ne sont pas les seuls/es à s’inquiéter des conséquences de l’OPA sur le confiseur britannique. « L’agitation » s’étend à tous/tes les employés/es de Kraft dans le monde, qui se demandent quelles répercussion auront sur leurs emplois les USD 675 millions d’économies de coût promis par Kraft pour financer le rachat – en sus d’autres mesures d’économies annoncées précédemment par la société. Warren Buffet, dont le fonds Berkshire Hathaway est le principal actionnaire de Kraft, est également  « inquiet ». Il qualifie aujourd’hui ouvertement le rachat de « stupide » (comparé aux qualificatifs « mauvaise affaire » d’avant l’OPA), alimentant d’autant les pressions pour de nouvelles économies de coûts et suppressions d’emplois. Il s’est exprimé de manière plus circonspecte à propos de la rémunération annuelle globale de Mme Rosenfeld, qui s’élève à USD 26 millions, mais n’est pas parvenu à cacher son irritation en parlant aux journalistes lors de la dernière réunion annuelle de Berkshire Hathaway. Bien sûr, personne ne propose de mener une enquête auprès des salariés/es de Kraft pour savoir quels sont leurs « sentiments »…

En réponse aux nombreux appels émanant de syndicats du monde entier demandant à Kraft d’engager un dialogue global avec l’UITA et ses affiliées, Mme Rosenfeld a répété que la « solution » à l’agitation est de « passer par les voies de communication existantes ». Le problème est que ces voies de communication n’existent pas dans plusieurs régions du monde, dont l’Amérique du Nord, où l’hostilité du groupe envers les syndicats est bien connue. Mais dans d’autres parties du monde, comme en Afrique du Sud, où Kraft reconnaît et négocie avec les syndicats, leur appel est également resté sans réponse. Le fonds du problème est que la direction de Kraft décide de sa stratégie mondiale tout en niant aux organisations syndicales l’accès aux décideurs du groupe dans le monde.

Dans ce contexte, Kraft n’a aucune utilité pour « des enquêtes pour comprendre quels sont les sentiments des gens ». Le 29 janvier, Reuters indiquait que Kraft ne pouvait dire combien d’emplois avaient été supprimé à la suite de l’acquisition des biscuits Lu de Danone ! Pour restaurer sa crédibilité après les appels forcenés pour les réductions des coûts qui suivent immanquablement les réunions trimestrielles des actionnaires, Kraft doit examiner la manière dont d’autres transnationales de l’alimentation ont étendu la reconnaissance syndicale au niveau international, une évolution qui a permis de mettre en place de véritables voies de communication et de négociations, en lieu et place d’une simple limitation des dégâts. Faute de quoi, il est probable que « l’agitation » ne cesse de croître.