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Une vie après le suicide ? Nouvelles semences, nouvelles menaces

07.05.14 Feature
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Ce document est le second d’une série d’articles que l’UITA a entrepris de publier, rédigés par le groupe ETC (anciennement RAFI), une organisation de la société civile avec laquelle l’UITA collabore depuis plusieurs années. En 1999, l’UITA s’est jointe à un appel en faveur d’un moratoire sur les semences Terminator, génétiquement modifiées pour être stériles. Le moratoire a tenu, mais il est aujourd’hui en butte à des attaques.

Vous risquez de voir bientôt des semences Terminator dans un champ près de chez vous. Les semences-suicide qui meurent à chaque récolte (obligeant les agriculteurs à racheter des semences à chaque saison des semailles) font l’objet d’un moratoire des Nations unies depuis 2000, mais pourraient être légalisées cette année au Brésil, où deux projets de loi qui étaient en suspens depuis des années au Congrès brésilien pourraient être discrètement adoptées entre la Coupe du Monde de football en juin et l’élection présidentielle en octobre prochain. Si l’un ou l’autre des projets de loi était adopté, les diplomates brésiliens agiront de manière préventive pour éviter une condamnation de la communauté internationale en « réinterprétant » le moratoire lors de la prochaine conférence onusienne sur la diversité biologique en Corée du Sud en octobre 2014.

Les tenants et les groupes de pressions de la technologie Terminator tentent de faire accroire que ces semences potentiellement très rentables ont été mises au point pour protéger les cultures alimentaires des cultures dites bioréactives (c’est-à-dire les arbres, la canne à sucre et autres cultures dont les caractéristiques ont été génétiquement modifiées pour la production de plastiques, carburants, produits pharmaceutiques, etc..) des traits génétiques qui pourraient sinon contaminer les aliments.

L’opposition aux projets de loi brésiliens s’est traduite par une pétition mondiale signée par près de 69.000 personnes et organisations.  Ce geste du gouvernement brésilien est d’autant plus choquant que le parti au pouvoir avait contribué à repousser les tentatives faites par les semenciers transnationaux pour faire annuler le moratoire lors de la 8ème Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique à Curitiba, Brésil, en 2006.

A l’orée du XXIe siècle, les trois principaux semenciers mondiaux (Monsanto, DuPont et Syngenta), qui contrôlent 54 pour cent du marché mondial des semences, ont été contraints de déclarer publiquement qu’ils ne commercialiseraient pas la technologie Terminator. Malgré cette promesse, les grands semenciers – et quelques organismes nationaux comme l'Institut public de recherches en agriculture (Embrapa) au Brésil (étroitement lié aux transnationales) – ont poursuivi les recherches sur la stérilisation des semences, déposé des brevets et développé des technologies plus inquiétantes encore.

Le groupe ETC a par exemple découvert en 2006 que des demandes de brevet avaient été déposées pour des semences-zombies, rendues stériles à la récolte, mais qui peuvent « ressuscitées » par un produit chimique, vendu par la société productrice de ces semences. Comme forme extrême de la technologie Terminator, les semences-zombies sont également soumises au moratoire international.

En raison de l’opposition, qui reste forte, des consommateurs aux semences génétiquement modifiées, et d’un moratoire onusien toujours en place, les multinationales sont à la recherche d’autres domaines dans lesquels réaliser des profits monopolistiques. Neuf autres technologies sont aujourd’hui activement mises au point. Les sociétés allèguent que les semences produites grâce à ces technologies ne sont pas des OGM et donc qu’aucune législation spécifique n’est nécessaire à leur mise sur le marché.

Ces techniques ne sont pas toutes nouvelles, et certaines sont en cours depuis quelques décennies, comme la mutagénèse induite par rayons gamma ou rayons-X, ou par des produits chimiques, apparue à l’époque de la Guerre froide. Toutes ces techniques sont exploitées discrètement ; toutes sont commercialisées ; et aucune d’entre elles n’est adéquatement réglementée.

La technologie la plus récente, la biologie synthétique, comporte d’énormes implications sanitaires, environnementales et économiques  pour les agriculteurs, les entreprises de transformation alimentaire, les travailleurs/euses agricoles et les consommateurs. Dans l’intervalle, l’ancienne méthode pour produire un organisme mutant, soit disant non OGM, par la mutagénèse fait un retour en force et mérite toute notre attention.

Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, les premières mutations induites par les rayons X et gamma ont été expérimentées par les Néerlandais il y a 80 ans en Indonésie. A l’époque, les sélectionneurs se décrivaient comme des « Frankensteins » et leur carré de culture comme des « jardins gamma ». La mutagénèse dirigée était plus ou moins abandonnée dans les années 1990, lors de l’apparition des premiers OGM. Lorsque ceux-ci se heurtèrent à une vive opposition, les recherches sur la mutagénèse furent discrètement réactivées. Bloomberg News estime qu’en 2013, 3000 variétés de plantes, pour 200 cultures, avaient été commercialisées.  La mutagénèse est à l’origine des variétés de blés durs cultivés en Italie pour les pâtes, des variétés d’orge presque partout, du soja et du riz an Chine et en Asie du Sud-Est et une nouvelle génération de variétés de blé qui résistent à la maladie de la rouille en Afrique de l’Est. L’an dernier, au moins 31 pays pratiquaient la mutagénèse – soit 4 pays de plus que ceux qui autorisent les OGM. En 2004, l’Académie nationale des Sciences des Etats-Unis avait estimé que les techniques de mutagénèse méritaient un examen au moins aussi attentif que celles du génie génétique classique, parce que l’irradiation par les rayons gamma provoquait bien plus de mutations que le transfert de gènes opéré pour les OGM.

L’avenir de la technologie Terminator pourrait changer avec les élections d’octobre au Brésil. Il faudrait envisager d’inscrire la technologie Terminator et les autres technologies de mutation à l’ordre du jour de la Conférence onusienne sur la diversité biologique, en octobre également, en se référant éventuellement au Protocole de Carthagène. Il est tout aussi fondamental que ces technologies soient inscrites à l’ordre du jour de la réunion du Comité de la sécurité alimentaire mondiale de l’Onu qui aura lieu à Rome, également en octobre prochain.